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La semaine de la procédure pénale

Pénal - Procédure pénale
16/12/2019
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin criminel de la Cour de cassation, en procédure pénale, la semaine du 9 décembre 2019.
Signification du jugement – connaissance – actes d’exécution du jugement de condamnation
« Il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que l’administration des douanes et droits indirects a fait citer directement M. X devant le tribunal correctionnel de Bergerac du chef de plusieurs infractions à la réglementation sur l'organisation et l'assainissement du marché du vin, et notamment, pour ne pas avoir respecté des formalités liées à la déclaration préalable et à la tenue du registre de chai, avoir effectué une surchaptalisation de vin d’appellation “côtes de Bergerac” pour un volume de 475 hl et avoir procédé à une fausse déclaration d’arrachage de vignes ;
Par jugement rendu par défaut le 7 juillet 2015, les premiers juges ont déclaré les faits établis, ont condamné le prévenu à des amendes et pénalités fiscales et ordonné une mesure de confiscation de vins ;
Cette décision a été signifiée par acte d’huissier de justice, le 6 novembre 2015, au domicile de M. X, où son fils a accepté de recevoir copie de l’acte ; que le prévenu ayant formé opposition à ce jugement par acte d’huissier de justice remis à parquet le 8 août 2016, le tribunal correctionnel, par jugement contradictoire du 7 février 2017, a déclaré ladite opposition irrecevable ; que M. X a interjeté appel de cette décision, ainsi que le ministère public ;
 
Pour déclarer tardive l’opposition au jugement du 7 juillet 2015, l’arrêt énonce en substance, après avoir précisé qu’il ne ressort pas de la procédure que la lettre simple envoyée à M. X en application des dispositions de l'article 557 al. 2 du Code de procédure pénale ait été retournée avec la mention “inconnu à cette adresse” ou “n'habite pas à l'adresse indiquée”, que M. X a eu connaissance du jugement de condamnation du 7 juillet 2015, son fils, qui se trouvait au domicile de l’intéressé, ayant accepté de recevoir la copie du jugement délivrée le 6 novembre 2015, après que son père l’eut désigné à l’administration des douanes comme son représentant ;
Que les juges ajoutent que, d’une part, début décembre 2015, le prévenu a volontairement exécuté une partie de la décision en cause en expédiant à la distillerie 273 hl de vin blanc AOC côtes de Bergerac millésime 2001, soit la quantité, le cru et le millésime correspondant à ce qui avait fait l'objet de la saisie conservatoire effectuée dans le cadre de la procédure douanière ayant abouti au jugement du 7 juillet 2015, ce dont il se déduit que dès cette époque, le prévenu avait connaissance du jugement, d’autre part, à la suite de l’envoi le 2 mai 2016 par l'administration des douanes, d'une sommation de payer une somme de 108 050 euros au titre de l'amende et des pénalités fiscales, cette sommation visant le jugement du 7 juillet 2015, l’appelant a sollicité, par courriel en date du 1er juillet 2016, l'octroi d'un échéancier pour le paiement des sommes résultant de la condamnation du 7 juillet 2015, ledit courriel établissant la preuve qu'au plus tard le 1er juillet 2016 M. X avait bien eu connaissance des termes dudit jugement qu'au demeurant il se proposait ainsi d'exécuter ;
Que la cour d’appel en déduit que l'opposition formée le 8 août 2016, postérieurement au délai de 10 jours fixé par la loi, était irrecevable car tardive ;
 
Nonobstant les motifs insuffisants, justement critiqués par la première branche du moyen, par lesquels les juges affirment que le prévenu avait eu connaissance de la signification du jugement le 6 novembre 2015 sans constater qu’il avait retourné le récépissé accompagnant la lettre simple qui lui avait été adressée, et dès lors qu’elle a justement reconnu dans les agissements du prévenu des actes d’exécution du jugement de condamnation, au sens du deuxième alinéa de l’article 492 du Code de procédure pénale, dont il résulte que l’intéressé avait eu connaissance de la signification, la cour d’appel a justifié sa décision ».
Cass. Crim., 10 déc. 2019, n°18-83.851, P+B+I *
 
Droit de se taire et droit de ne pas s’auto-incriminer – appréciation souveraine des circonstances – charge de la preuve
« Il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que le 17 novembre 2017, les fonctionnaires de police ont contrôlé M. X, conducteur d’un véhicule ; qu’ils ont constaté la présence d’une plaquette de résine de cannabis, d’un téléphone portable et ont découvert une importante somme en numéraire sur sa personne ; que la perquisition opérée à son domicile a permis, notamment, la découverte d’un montant total de 3 780 euros ainsi que de trois téléphones portables ; que M. X a refusé de répondre aux enquêteurs et de communiquer les codes de déverrouillage de ses téléphones ; qu’il a été poursuivi des chefs précités devant le tribunal correctionnel, qui l’a déclaré coupable ; que M. X et le ministère public ont interjeté appel de cette condamnation ;
 
Sur le premier moyen pris en ses trois premières branches ;
Pour écarter le moyen pris de l’inconventionnalité de l’article 434-15-2 du Code pénal, l’arrêt énonce que l'atteinte au droit de se taire et au droit de ne pas s'auto-incriminer est constituée dès lors que les données ne peuvent exister indépendamment de la volonté du suspect, ce qui n’est pas le cas des données contenues dans les téléphones, qui peuvent être obtenues par des moyens techniques ;
En statuant ainsi, et dès lors que le droit de ne pas s’incriminer soi-même ne s’étend pas aux données que l’on peut obtenir de la personne concernée en recourant à des pouvoirs coercitifs mais qui existent indépendamment de la volonté de l’intéressé, la cour d'appel n'a méconnu aucune des dispositions légales et conventionnelles visées au moyen ;
 
Sur le premier moyen pris en sa quatrième branche ;
Pour déclarer le prévenu coupable de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, l’arrêt relève que M. X a refusé de communiquer aux enquêteurs les codes de ses téléphones, rendant ainsi impossible leur exploitation ; que les juges ajoutent que les éléments découverts en sa possession au moment de son interpellation, soit la plaquette de résine de cannabis et les sommes d'argent très importantes, dont l'analyse des billets a démontré la présence d'un taux de cannabis et de cocaïne supérieurs à ceux habituellement rencontrés sur les billets en circulation normale, laissent présumer un usage du téléphone portable en lien avec des infractions à la législation sur les stupéfiants ;
En l'état de ses motifs, dépourvus d'insuffisance comme de contradiction et résultant de son appréciation souveraine des circonstances de fait contradictoirement débattues, la cour d'appel a justifié sa décision ;
 
Sur le second moyen de cassation ;
Pour déclarer le prévenu coupable des infractions à la législation sur les stupéfiants pour lesquels il était poursuivi, l’arrêt énonce notamment que la culpabilité de celui-ci découle des éléments découverts en sa possession, soit la somme de 6 680 euros en numéraire, la présence d'une plaquette de résine de cannabis sur le sol du véhicule qu'il conduisait ainsi qu'un téléphone portable, des analyses effectuées sur les billets de banque trouvés sur le prévenu lors de son interpellation qui ont révélé la présence d'un taux de cannabis et de cocaïne supérieurs à ceux habituellement rencontrés sur les billets en circulation normale, de la découverte de sommes en numéraire et de trois autres téléphones portables lors de la perquisition effectuée à son domicile et de l'absence d'explications cohérentes du prévenu pour justifier la possession de ces sommes d'argent ;
En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance et relevant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision sans inverser la charge de la preuve ».
Cass. Crim., 10 déc. 2019, n°18-86.878, P+B+I *
 
Militaire – révélation d’une information obtenue à l’occasion de ses fonctions – pas dans l’exercice du service
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que dans le cadre d’une information judiciaire ouverte des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, des interceptions téléphoniques ont permis aux gendarmes de la brigade de recherches de Châlons sur Saône de surprendre, le 12 décembre 2016, une conversation entre M. X et un tiers, au cours de laquelle celui-ci annonçait avoir appris, par sa mère, Mme Y, qu’une enquête judiciaire le concernant était en cours ; que Mme Y, médecin, a expliqué avoir obtenu cette information de l’un de ses patients reçu le même jour en consultation, M. Z, gendarme affecté dans les locaux de cette unité ; que les investigations ont établi que M. Z a pris connaissance de la conversation téléphonique du 12 décembre 2016, après avoir entendu ses collègues s’en émouvoir, et en a fait état auprès de Mme Y, lors d’une conversation ; que M. Z a été cité devant la juridiction de droit commun sous la prévention de violation du secret professionnel ; que par jugement du 17 novembre 2017, le tribunal correctionnel a fait droit à l’exception d’incompétence soulevée par le prévenu sur le fondement des dispositions de l'article 697-1 du Code de procédure pénale, et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir ; que ce dernier en a interjeté appel ;
 
Pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par M. Z, l'arrêt énonce que le prévenu a admis qu'il savait qu'il y avait une enquête en cours sur le fils de son médecin traitant, a reconnu avoir consulté la procédure concernant ce mis en cause et avoir vérifié la teneur d'une communication téléphonique interceptée sur la centrale d'écoutes Foretec ; que les juges relèvent que la révélation d'informations couvertes par le secret de l'enquête, dont le prévenu a pu avoir connaissance à l'occasion de ses fonctions mais hors l'exercice de son service, comme ne participant pas à l'enquête, a eu lieu au cours de conversations privées entre le prévenu et son médecin, en dehors de tout exercice du service de l'intéressé ; qu'ils en déduisent que l'exception d'incompétence n'est pas fondée ;
 
En l'état de ces énonciations, et dès lors qu'il n'importe que les juges n'aient pas répondu à l'argumentation du prévenu tirée de ce qu'il a bénéficié de la protection prévue à l'article L. 4123-10 du Code de la défense, laquelle est sans incidence au regard de la compétence de la juridiction de droit commun, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 697-1 du Code de procédure pénale ;
Qu'en effet, n’est pas commis dans l’exercice du service, le fait, pour un militaire, de révéler, dans un cadre privé, une information obtenue à l’occasion de ses fonctions, fût-ce par l’utilisation des moyens mis à sa disposition pour l’exercice de ses fonctions ».
Cass. Crim., 10 déc. 2019, n°19-80.479, P+B+I *
 
Actes irréguliers – cancellation – référence directe ou explicite
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite d’un renseignement reçu le 30 octobre 2018 portant sur un trafic de cocaïne en provenance des Pays-Bas, mettant en cause un dénommé X, utilisant un véhicule Renault Megane immatriculé WWW, les enquêteurs ont obtenu, le 31 octobre 2018, grâce à la consultation du système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation (dit fichier LAPI), des informations sur le déplacement de ce véhicule, lesquelles ont également permis l’identification d’une autre voiture Seat Leon immatriculée aux Pays-Bas sous le numéro MMM ; que le 5 novembre 2018, ils ont eu connaissance, par la consultation de ce même fichier, des trajets effectués par ces deux voitures ; que le 6 novembre 2018, le procureur de la République de Nîmes, auquel ils ont rendu compte de leurs investigations, leur a demandé de poursuivre celles-ci “en faisant toutes réquisitions utiles” ; que le 7 novembre, les enquêteurs, procédant à la surveillance des véhicules Renault Megane et Seat Leon, ont constaté que ceux-ci circulaient en convoi, ont obtenu l’autorisation de géolocaliser lesdits véhicules et ont à nouveau requis la consultation du fichier Lapi ; que le 13 novembre 2018, au vu des informations provenant de la géolocalisation des véhicules, ils ont assuré la filature de ceux-ci, les ont interceptés et ont découvert, dans le coffre de la Renault Megane, environ dix-sept kilogrammes de cocaïne, de sorte qu’ils ont interpellé les occupants de ce véhicule, ainsi que
MM. Y et Z, passagers de la voiture Seat Leon ; qu’au terme de leur garde à vue, ceux-ci ont été mis en examen des chefs de transport, détention, offre, acquisition, importation de stupéfiants et participation à association de malfaiteurs ; que les 18 avril et 6 mai 2019, MM. Y et Z ont saisi la chambre de l’instruction de requêtes en nullité ;
 
Vu l'article 174 alinéa 3 du Code de procédure pénale ;
Il résulte de ce texte que doivent être cancellés les actes partiellement annulés, ainsi que toute référence directe et explicite aux actes irréguliers ;
Après avoir annulé les consultations du fichier Lapi des 31 octobre et 5 novembre 2018, l’arrêt attaqué procède à l’annulation de plusieurs procès-verbaux et à la cancellation de certains autres ;
Mais c’est à tort que les juges ont omis de canceller certaines mentions figurant dans les procès-verbaux cotés D18, D21, D69, D100 et D154 faisant référence aux déplacements des véhicules Renault Megane et Seat Leon mis en évidence par les consultations annulées du fichier Lapi ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire ».
Cass. Crim.,10 déc. 2019, n°19-84.141, P+B+I *
 
Exceptions de nullité de la procédure – scellés – placement – échantillonnage
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X a été interpellé en enquête de flagrance et a remis aux enquêteurs deux sachets de résine de cannabis ; qu’il a été poursuivi dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate du chef d’infractions à la législation sur les stupéfiants ; que les juges du premier degré, après avoir rejeté des exceptions de nullité de la procédure relatives à l’absence de placement sous scellés et d’échantillonnage des produits stupéfiants, détruits sur ordre du procureur de la République, ont retenu la culpabilité de M. X ; que ce dernier et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
 
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 56 alinéa 4 du Code de procédure pénale ;
Pour rejeter l’exception de nullité de la procédure prise de l’absence de placement sous scellés des produits stupéfiants, en violation de l’article 56 du Code de procédure pénale, l’arrêt énonce que cette disposition, qui vise les perquisitions, est inapplicable en l'espèce, aucune perquisition, imposant le placement sous scellés des produits, n'ayant été effectuée ;
Si c’est à tort que la cour d’appel n’impose le placement sous scellé qu’en cas de perquisition, la cassation n'est cependant pas encourue, dès lors que le placement sous scellés, qui constitue un moyen d’authentification des produits, n’est pas obligatoire et qu’en leur absence, la preuve de la nature du produit est soumise au principe de la libre administration de la preuve posé par l'article 427 du Code de procédure pénale ;
 
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Pour rejeter le moyen de nullité pris de l’absence d’échantillonnage et de tests des produits stupéfiants, l’arrêt énonce que les échantillonnages des produits saisis, aux fins éventuelles d'expertise, ne sont imposés par aucune disposition du Code de procédure pénale, et relèvent de la preuve, s'agissant de la nature des produits saisis ;
En se déterminant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision dès lors que les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 706-30-1 du Code de procédure pénale ne sont applicables qu’à l’instruction préparatoire, lorsque le juge d’instruction veut faire procéder à la destruction du produit, et ne sont pas applicables à l’enquête de flagrance ;
 
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l’article de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Pour rejeter l’exception de nullité prise de l’irrégularité de la pesée des produits stupéfiants trouvés sur M. Y, personne également poursuivie, l’arrêt relève que cette éventuelle irrégularité ne concerne que M. Y et que les prévenus n'ont pas qualité à agir pour invoquer une telle irrégularité, laquelle ne leur fait aucun grief, la prévention ne faisant pas état du poids des produits stupéfiants cédés ;
En statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision dès lors que le demandeur n’invoque pas que les enquêteurs aient recouru à un moyen déloyal, ni qu’il ait été porté atteinte à ses droits ».
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°18-84.912, P+B+I *

Ordonnance d’incarcération provisoire – délai
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X a été condamné le 24 février 2017 par le tribunal correctionnel de Béziers à la peine de trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende pour transport, offre ou cession et détention non autorisés de stupéfiants ; que, par un jugement du 28 juillet 2017, le juge de l'application des peines du tribunal de grande instance de Montpellier a accordé à M. X le bénéfice d'un placement sous surveillance électronique probatoire à partir du 8 août 2017, puis une libération conditionnelle à compter du 8 février 2018, la fin de peine étant fixée au 25 août 2018 ; qu’après rappels de ses obligations, notamment celle de payer le montant de l’amende, le juge de l’application des peines du tribunal de grande instance de Béziers, alors compétent, a délivré un mandat d’amener à son encontre le 20 août 2018 ; qu’après réquisitions en ce sens du ministère public, le juge de l’application des peines a ordonné le 24 août 2018 son incarcération provisoire ; que le débat contradictoire, prévu par l’article 712-19 du Code de procédure pénale, a eu lieu le 7 septembre 2018 ; que par jugement prononcé le 21 septembre 2018, le juge de l’application des peines a révoqué partiellement, à hauteur de six mois, la mesure de libération conditionnelle ; que M. X a fait appel de cette décision ;
 
Saisi de l’exception de nullité du jugement, qui a prononcé plus de quinze jours après le délai de l’article 712-19 du Code de procédure pénale, la cour d’appel relève que l’ordonnance d’incarcération provisoire, mesure privative de liberté, hautement attentatoire aux libertés individuelles en ce qu'elle est insusceptible d'appel, ne saurait être conçue comme une mesure susceptible de perdurer dans le temps sans limitation de durée ; que les dispositions de l'article 712-19 imposent au juge de l'application des peines à la fois d'organiser le débat contradictoire dans les quinze jours de l'incarcération provisoire, mais également de statuer et de notifier la décision dans ce même délai impératif ; qu’en conséquence, M. X a été détenu sans titre depuis le 8 septembre 2018 ;
En se prononçant ainsi, la cour d’appel a fait l’exacte application de l’article 712-19 du Code de procédure pénale ».
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°19-80.272, P+B+I *
 
Perquisition – chien spécialisé – indice objectif et apparent
« Il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que le 28 mars 2018, les services de police d’Elancourt (78) ont découvert un sachet contenant 8,7 grammes de résine de cannabis dans le coffre d’un véhicule stationné sur un parking de la résidence A à Trappes ; que trois traces papillaires ont été identifiées comme provenant de M. X, connu des services de police ; que, le 14 novembre 2018, vers 12h00, les fonctionnaires de police, en possession d’une autorisation permanente du bailleur, accompagnés d’un chien, spécialisé dans la recherche des billets de banque et des produits stupéfiants, étant de patrouille dans les parties communes de la résidence A, ont constaté le marquage du chien au niveau de la porte d’un appartement du premier étage de l’immeuble ; qu’avisé de ce fait, l’officier de police judiciaire de permanence, agissant en flagrance, a, après avoir frappé à la porte de l’appartement et constaté que personne ne répondait à sa demande, fait ouvrir la porte à l’aide d’un bélier ; que les policiers ont ainsi pénétré dans les lieux à 12h35 et, procédant à la visite de l’appartement, y ont découvert M. X, dormant sur un canapé ;
 
Pour rejeter l’exception de nullité et confirmer le jugement sur la culpabilité, l’arrêt retient que le tribunal correctionnel a exactement retenu que l'action significative du chien spécialement dressé pour la recherche des produits stupéfiants, constatée par les fonctionnaires de police présents sur les lieux, constituait un indice objectif apparent rendant probable la commission d'infractions leur permettant d'agir en enquête flagrante et de procéder à toutes constatations utiles, ainsi qu'à une perquisition des lieux ;
En se déterminant ainsi, et dès lors que le seul marquage du chien spécialisé devant la porte de l’appartement constituait l’indice objectif et apparent d’un comportement suspect, caractérisant la flagrance, la cour d’appel a justifié sa décision ».
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°19-82.457, P+B+I *
 
Exceptions de nullité – palpations de sécurité – pesée des substances saisies
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 15 janvier 2017, M. X a été interpellé à 16 heures 05, à Villepinte, aux fins de contrôle d’identité, après avoir tenté de prendre la fuite à la vue du véhicule de police ; qu’il a fait l'objet d'une palpation de sécurité qui a permis de découvrir, au niveau de la jambe gauche, une protubérance rectangulaire, s’avérant constituée de résine de cannabis ; qu’à son arrivée au commissariat, il a fait l’objet d’une seconde palpation de sécurité permettant de découvrir, au niveau de la cheville gauche, une poche plastique contenant de nombreux sachets emplis d'une matière brunâtre correspondant à de la résine de cannabis, conditionnés pour la vente, ainsi que deux blocs plus importants, le tout d’un poids de trois cent onze grammes ; que M. X a fait l’objet d’une convocation par officier de police judiciaire des chefs de détention et transport de produits stupéfiants ; que le tribunal, après avoir constaté son absence, l’a déclaré coupable et a prononcé sur la peine ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de la décision ;
 
Pour rejeter l’exception de nullité présentée par l’avocat de M. X, qui a fait valoir que les palpations de sécurité, effectuées par un agent de police judiciaire, étaient en réalité une fouille de la seule compétence d’un officier de police judiciaire, l’arrêt relève que c'est l'existence d'une simple protubérance ressentie depuis l'extérieur qui a permis aux fonctionnaires, voulant s'assurer de l’absence de dangerosité de l'objet ressenti, de découvrir la résine de cannabis ; que les juges retiennent que les constatations des policiers étaient justifiées par la recherche des éléments susceptibles d'être dangereux et qu’aucune disposition n’interdit aux forces de l'ordre de procéder à une seconde recherche, qui, au regard d'un probable placement en garde à vue, était légitime pour s'assurer de l'absence de tout objet, aussi petit soit-il, susceptible de présenter un danger pour la personne gardée à vue ou les fonctionnaires ; qu’il en résulte que l'opération de fouille de sécurité était justifiée et qu'il ne s'agissait nullement d'une perquisition ;
En l'état de ces motifs, qui établissent que les palpations de sécurité auxquelles a été soumis M. X ne pouvaient être assimilées à une perquisition et avaient pour finalité de vérifier que la personne contrôlée n’était porteuse d’aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui, la cour d’appel a justifié sa décision ;
 
Pour rejeter la demande en nullité tirée du motif de l’absence d’un officier de police judiciaire lors de la pesée des produits stupéfiants, l’arrêt relève que les produits découverts n’ont fait l’objet ni de saisie ni de placement sous scellés ; qu’en conséquence, les dispositions de l'article 706-30-1 du Code de procédure pénale, qui renvoient explicitement à l'article 99-2 du même Code, lequel ne trouve à s'appliquer qu'aux biens placés sous-main de justice, ne sont pas applicables en l'espèce ;
En disposant ainsi, et dès lors que les prescriptions de l’article 706-30-1 ne sont applicables que dans le cas de pesée des substances saisies avant leur destruction, la cour d’appel a justifié sa décision ».
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°19-82.454, P+B+I *
 
Cour d’assises – compositions de la cour – réintérêts civils
« M. X a été déclaré coupable, par arrêt de la cour d’assises de la Seine-et-Marne, statuant en appel, du 30 mars 2018, de vol avec arme en bande organisée, meurtre et tentatives de meurtres précédés, accompagnés ou suivis d’un autre crime, association de malfaiteurs, destruction par un moyen dangereux pour les personnes en bande organisée, recels et infractions à la législation sur les armes, ces infractions entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et suivants du Code de procédure pénale, et condamné à vingt-sept ans de réclusion criminelle.
Par arrêt du 9 mai 2019 (Crim. 9 mai 2019, n°12-82.800), la Cour de cassation a cassé, par voie de retranchement, la déclaration de culpabilité de M. X pour le délit d’association de malfaiteurs, et maintenu les autres dispositions relatives à la culpabilité. Par cet arrêt, la Cour de cassation a cassé les dispositions concernant les peines prononcées à son encontre et renvoyé l’affaire, pour qu’il soit statué de nouveau sur les peines, devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis.
Par arrêt du 5 novembre 2018, la cour d’assises de la Seine-et-Marne a prononcé sur les intérêts civils. M. X s’est pourvu en cassation contre cet arrêt, par une déclaration de pourvoi faite, par un avocat, au greffe de la cour d’assises de la Seine-et-Marne, le 9 novembre 2018, et par une autre déclaration de pourvoi qu’il a faite personnellement, le 19 novembre 2018, au chef de l’établissement pénitentiaire où il est détenu, après avoir reçu la signification de cet arrêt, le 14 novembre 2018.
 
Sur le premier moyen ;
Il résulte des pièces transmises à la Cour de cassation, qu’après le prononcé de l’arrêt pénal de la cour d’assises, statuant en appel, le 30 mars 2018, les parties ont été informées que l’affaire était renvoyée, contradictoirement, sur les intérêts civils, à l’audience du 29 octobre 2018. A cette date, les débats se sont tenus, M. X étant représenté par son avocat, et les parties ont été informées que l’arrêt civil serait prononcé par mise à disposition au greffe, le 5 novembre 2018, date à laquelle la décision a été mise à leur disposition.
Ainsi, le renvoi de l’affaire a-t-il été régulièrement ordonné sur les intérêts civils.
Même si l’arrêt attaqué ne précise pas les conditions de désignation des magistrats qui composaient la cour d’assises qui l’a rendu, il résulte des ordonnances de la première présidente de la cour d’appel de Paris, en date du 4 mai 2018, du 23 juillet 2018 et du 25 septembre 2018, que le président et les deux assesseurs ayant composé la cour d’assises à l’occasion de l’arrêt civil attaqué ont été régulièrement désignés pour siéger à la session de la cour d’assises qui s’est ouverte le 29 octobre 2018.
 
Au sein de chaque cour d’assises dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, en vertu des dispositions relatives à la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisées, l’article 706-75-1 du Code de procédure pénale prévoit la désignation, par le premier président de la cour d’appel, des magistrats du siège chargés des fonctions de président et d’assesseurs de la cour d’assises, à l’occasion du jugement des crimes entrant dans le champ d’application des infractions énumérées par ce texte.
Cependant, la désignation du président et des assesseurs composant la cour d’assises, à l’occasion du jugement des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées, n’est régie par l’article 706-75-1 du Code de procédure pénale qu’à l’occasion du jugement sur l’action publique mais non lorsque, après l’arrêt de condamnation, la cour d’assises n’est plus saisie que des intérêts civils.
Ainsi, il en résulte que l’arrêt attaqué a été rendu par une cour d’assises régulièrement composée et que le moyen doit être écarté.
 
Sur le second moyen ;
L’arrêt attaqué constate, d’une part, que M. X a été reconnu coupable du meurtre de M. Y et de tentatives de meurtres sur les personnes de M. Z et de M. W. Cet arrêt énonce, d’autre part, que les membres de la famille de M. Y, ainsi que M. Z et M.W, ont subi un préjudice personnel, direct, actuel et certain, causé directement par ces crimes.
Après avoir visé les conclusions des parties civiles, où celles-ci détaillent les différents éléments du préjudice de chacune d’elles, la cour d’assises énonce qu’elle est en mesure d’apprécier les indemnités destinées à les réparer, dont elle évalue les montants, qu’elle reprend au dispositif de sa décision.
En l’état de ces énonciations, dès lors qu’il n’est pas allégué que le demandeur aurait déposé des conclusions auxquelles elle aurait omis de répondre, la cour d’assises a justifié sa décision ».
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°19-80.059, P+B+I *
 
Mineur – examens osseux – doute
« Le 10 mai 2018, M. X a été déféré devant le procureur de la République à Créteil. Après avoir été incarcéré par le juge des libertés et de la détention, il a été traduit devant le tribunal correctionnel, selon la procédure de la comparution immédiate. Devant le tribunal correctionnel, il a présenté des conclusions soutenant l’incompétence de cette juridiction au motif qu’il est mineur, comme né le 18 février 2002, et réclamant l’annulation du procès-verbal de comparution devant le procureur de la République, au motif que celui-ci l’avait interrogé sans qu’il soit assisté d’un avocat. Par jugement du 11 mai 2018, le tribunal correctionnel a rejeté ces exceptions, reconnu M. X coupable, l’a condamné à un an d’emprisonnement avec maintien en détention et prononcé sur les intérêts civils. M. X et le procureur de la République ont relevé appel des dispositions pénales du jugement.
 
Vu les articles 593 du Code de procédure pénale, 388 du Code civil et 1er de l’ordonnance n°45-174 du 2 février 1945, relative à l’enfance délinquante ;
Selon le premier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
Selon le deuxième, le mineur est l’individu qui n’a pas encore l’âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé.
Selon le troisième, les mineurs auxquels est imputé un délit ne peuvent être déférés aux juridictions pénales de droit commun et ne sont justiciables que des tribunaux pour enfants.
 
M. X a soutenu qu’il était mineur, comme né en 2002, expliquant qu’il avait fait l’objet d’une ordonnance de placement, rendue par le juge des enfants de Nanterre, en date du 14 février 2018, qui mentionne qu’il est né le 18 février 2002. Il a prétendu que sa minorité résultait aussi de son acte de naissance, qui avait été produit devant le tribunal correctionnel. Pour rejeter cette exception, l’arrêt attaqué indique que la détermination de l’âge osseux du prévenu à dix-neuf ans par le médecin qui l’a finalement examiné est un élément que la cour d’appel n’est pas en mesure de combattre et qui, corrélé aux variations du prévenu sur les éléments de son identité au cours des procédures auxquelles il a été soumis, la convainquent qu’il doit être jugé comme majeur. En se déterminant ainsi, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision et a méconnu les textes visés ci-dessus :
 
En premier lieu, pour retenir la majorité de M. X, la cour d’appel a pris en considération un examen médical qui ne pouvait être pratiqué qu’en l’absence de documents d’identité valables. Elle ne s’explique pas sur le moyen du demandeur, soutenant qu’il avait prouvé sa minorité par la production, devant le tribunal correctionnel, d’un document d’état-civil, traduit en français et par une décision du juge des enfants, rendue dans une procédure d’assistance éducative ayant retenu sa minorité.
En deuxième lieu, la cour d’appel a retenu les résultats d’un examen osseux, en énonçant que M. X avait d’abord refusé cet examen, qui avait été finalement pratiqué. L’arrêt ne précise pas quelle autorité judiciaire a ordonné cet examen, ne constate pas que M. X a donné son accord à sa réalisation et ne répond pas au moyen dans lequel il soutient qu’il ne résulte pas de cet examen qu’il y ait consenti.
En troisième lieu, l’arrêt n’indique pas la marge d’erreur de l’examen, et ne précise pas les éléments qui justifiaient d’écarter le doute existant sur l’âge du demandeur.
La cassation est donc encourue ». 
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°18-84.938, P+B+I *
 
Information – demande de renvoi – l’irrégularité de la convocation
« Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. Dans le cadre d’une information ouverte le 14 décembre 2018 au cabinet du juge d’instruction du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, M. X a été, le même jour, placé en détention provisoire. Le juge des libertés et de la détention a fixé à l’audience du 7 août 2019 le débat contradictoire portant sur la demande de prolongation de la détention provisoire, qui devait se tenir au plus tard le 13 août 2019. Par télécopie adressée au greffe de ce magistrat, le lundi 5 août 2019, l’avocat de M. X a sollicité le report du débat au motif qu'il était retenu au même moment devant le tribunal correctionnel de Nantes. Le juge des libertés et de la détention y a répondu, par télécopie envoyée le 6 août 2019, en indiquant qu’il maintenait le débat et rejetait la demande de renvoi sollicitée selon lui de manière tardive, en relevant, en outre, qu’au regard des dispositions de l’article 114 du Code de procédure pénale, il n’était plus dans les délais pour pouvoir le convoquer à une autre date.
Par nouvelle télécopie adressée le 6 août 2019 à 18 h 02, l’avocat de M. X a maintenu sa demande de renvoi en faisant valoir qu’il renonçait expressément à se prévaloir de l’inobservation du délai de convocation de cinq jours ouvrables avant le débat. Après débat contradictoire tenu le 7 août 2019 en l’absence de l’avocat de la personne mise en examen, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de cette détention. M. X a relevé appel de cette décision.
 
Pour écarter le moyen de nullité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant la prolongation de la détention sans répondre à la seconde demande de renvoi présentée par l’avocat, la chambre de l’instruction énonce que le juge des libertés et de la détention y a répondu par télécopie en date du 6 août 2019, permettant ainsi à ce dernier de prendre toute mesure utile aux intérêts de son client.
Les juges retiennent qu’il importe peu qu'aucune mention de la demande de report et de la décision motivée de rejet ne soit portée à l'ordonnance de prolongation ou au procès-verbal de débat contradictoire.
Les juges relèvent enfin qu’il est indifférent que le juge des libertés et de la détention n'ait pas réitéré sa décision de rejet motivé après l’envoi de la nouvelle télécopie de l’avocat de M. X par laquelle il maintenait sa demande en faisant valoir, pour la première fois, qu’il renonçait expressément aux prescriptions de l'article 114 du Code de procédure pénale.
En prononçant ainsi, la chambre de l’instruction a justifié sa décision. En effet il résulte des dispositions de l’article 114 du Code de procédure pénale que la renonciation à se prévaloir de l’irrégularité de la convocation ne peut intervenir qu’au moment du débat contradictoire.
Dès lors le juge des libertés et de la détention, qui avait apporté une réponse à la demande de renvoi présentée par l’avocat de M. X, n’était pas tenu de répondre à sa seconde demande, qui ne comportait pas d’élément nouveau.
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°19-86.039, P+B+I *
 
QPC – peine de mort – réhabilitation judiciaire
« M. X a été condamné à mort par un arrêt prononcé par la cour d’assises de la Seine, le 6 avril 1957. Cette condamnation a été exécutée, le 1er octobre 1957.
Son fils, M. Y, a formé une demande en réhabilitation judiciaire, de cette condamnation, le 20 mars 2018. Par arrêt du 5 septembre 2019, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nîmes, saisie de cette demande, a transmis à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité déposée par le requérant, dans le cadre de cette procédure.
 
La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
“Les dispositions des articles 785 et 786, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, qui font obstacle à une réhabilitation judiciaire consécutive à l’exécution d’une condamnation à la peine de mort, lorsque l’article 133-12 du Code pénal et l’article 782 du Code de procédure pénale prévoient que toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle peut bénéficier d’une telle réhabilitation, portent-elles atteinte au principe de nécessité des peines et au principe d’égalité, tels qu’ils sont garantis par les articles 6 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?”.
 
Les articles 785 et 786, alinéa 1er, du Code de procédure pénale sont applicables à la procédure et n’ont pas été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel. La question, en ce qu’elle porte sur la conformité de dispositions législatives aux articles 6 et 8 de la Constitution, n’est pas nouvelle.
La question posée présente un caractère sérieux pour les raisons suivantes :
En premier lieu, selon les articles 133-12 du Code pénal et 782 du Code de procédure pénale, toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut être réhabilitée.
Or, les articles 785 et 786 du Code de procédure pénale subordonnent la recevabilité de la demande en réhabilitation à des exigences de délais cumulées, qui deviennent incompatibles entre elles lorsque la demande concerne un condamné à mort dont la peine a été exécutée. En effet, l’article 785 prévoit que la demande de réhabilitation doit être présentée du vivant du condamné, ou dans l’année de son décès, alors que l’article 786 exige qu’elle soit présentée après un délai de cinq ans, pour les condamnés à une peine criminelle, ce délai partant, pour les peines autres que l’emprisonnement ou l’amende, prononcées à titre de peine principale, à compter de l’expiration de la sanction subie.
En deuxième lieu, le principe constitutionnel d’égalité, posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, ne paraît pas conduire à considérer, de manière évidente, que les condamnés à la peine de mort se trouvent, au regard des autres condamnés à des peines criminelles, dans une situation dont la particularité justifie que la réhabilitation leur soit fermée, une telle différence de traitement avec les autres condamnés à une peine criminelle ne paraissant pas en rapport avec l’objet de la loi qui l’a établie.
En troisième lieu, cette différence de traitement paraît d’autant moins justifiée que l’interdiction constitutionnelle de la peine de mort, résultant de la loi constitutionnelle n°2007-239 du 23 février 2007, qui a introduit, dans la Constitution, un article 66-1, aux termes duquel nul ne peut être condamné à la peine de mort, peut être de nature à empêcher que les condamnations à mort soient l’objet d’une restriction, conduisant à rendre impossible leur réhabilitation, ouverte à toutes les autres condamnations criminelles.
Il convient, en conséquence, de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité susvisée au Conseil constitutionnel ». ;
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°19-90.031, P+B+I *
 
QPC – pouvoir discrétionnaire –président de cour d’assises – témoin anonyme
« M. X a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 septembre 2019, une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du pourvoi qu’il a formé contre l'arrêt de la cour d'assises de Paris, spécialement composée, en date du 18 avril 2019, qui, pour complicité d’assassinats et de tentative d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, complicité d’assassinats et de tentatives d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste et commis en raison de l’appartenance à une religion, association de malfaiteurs à caractère terroriste et vol en réunion et en relation avec une entreprise terroriste, l’a condamné à trente ans de réclusion criminelle et fixé la durée de la période de sûreté aux deux-tiers de la peine.
 
La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
“Les dispositions combinées des articles 656-1, 706-62-1 et 706-71 du Code de procédure pénale, en permettant à un témoin de déposer de façon anonyme devant une cour d’assises par l’usage d’un moyen de télécommunication audiovisuelle sans que des garanties adéquates et suffisantes sur l’authentification de son identité soient prévues, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus précisément, aux droits de la défense et à l’équilibre des droits des parties ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi tels qu’ils sont garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ?”
 
Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel.
La question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.
Par ailleurs, la question posée ne présente pas de caractère sérieux pour les raisons suivantes :
En application de l’article 310 du Code de procédure pénale, il appartient au président de la cour d’assises, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, de prendre toutes mesures propres à faire établir, si une contestation apparaît à l’audience sur ce point, qu’un témoin déposant à l’audience de la cour d’assises, sans que son identité soit révélée, par visioconférence, son visage étant dissimulé et sa voix pouvant être déformée, a bien reçu l’autorisation prévue par l’article 706-58 du Code de procédure pénale. Il peut aussi, sans révéler l’identité du témoin, prendre les mesures permettant de vérifier qu’elle correspond à celle versée au dossier distinct prévu par ce texte, le cas échéant, en le faisant établir par le procureur de la République, le juge d’instruction ou un officier de police judiciaire ».
Cass. Crim., 11 déc. 2019, n°19-83.475, P+B+I *
 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 16 janvier 2020
 
Source : Actualités du droit