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Notion de «mandat d’arrêt européen» : caractère autonome du MAE transmis après homologation par un tribunal exerçant un contrôle indépendant et objectif

Pénal - Procédure pénale
22/10/2019

► Les mandats d’arrêts européen émis par les parquets autrichiens relèvent de la notion de «mandat d’arrêt européen», visée dans la décision-cadre 2002/584/JAI, bien que ce parquet soit exposé au risque d’être soumis, directement ou indirectement, à des ordres ou à des instructions individuels de la part du pouvoir exécutif, tel qu’un ministre de la Justice, pour autant que lesdits mandats d’arrêt font l’objet, obligatoirement, afin de pouvoir être transmis par lesdits parquets, d’une homologation par un tribunal qui contrôle de façon indépendante et objective, en ayant accès à l’intégralité du dossier répressif auquel sont versés d’éventuels ordres ou instructions individuels de la part du pouvoir exécutif, les conditions d’émission ainsi que la proportionnalité de ces mêmes mandats d’arrêt, adoptant ainsi une décision autonome qui leur donne leur forme définitive.

C’est ainsi qu’a répondu la CJUE à la question préjudicielle qui lui était soumise, dans un arrêt du 9 octobre 2019 (CJUE, 9 octobre 2019, aff. C-489/19 PPU).

Les faits objet du litige. Des poursuites pénales avaient été engagées par le parquet de Vienne à l’encontre d’une personne, en raison de faits de vol commis à titre professionnel, passible dans l’Etat membre d’émission, d’une peine «d’un maximum d’au moins trois ans», au sens de l’article 2, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584. Aux fins de la poursuite desdits faits, le parquet de Vienne a émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre de l’auteur des faits, qui a été homologué, conformément par le Landesgericht Wien (tribunal régional de Vienne). L’intéressé a été placé en détention provisoire à Berlin, dans le cadre d’une procédure pénale pour vol, engagée contre lui en Allemagne. Selon la juridiction de renvoi, l’intéressé a, lors de son interrogatoire, refusé l’extradition simplifiée. La juridiction de renvoi a observé que les parquets autrichiens sont soumis à des ordres ou à des instructions individuels de la part du pouvoir exécutif, en l’occurrence le ministre fédéral de la Justice et s’est, en conséquence, interrogée sur la compatibilité de la procédure d’émission d’un MAE en Autriche avec les exigences découlant de l’arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (CJUE, 27 mai 2019, aff. C-508/18, «parquet de Lübeck» et aff. C-509/18, «procureur général de Lituanie» ; lire B. Thellier de Poncheville, Les autorités de poursuites : autorités judiciaires d’émission d’un mandat d’arrêt européen ?, Lexbase Pénal, juillet 2019). En particulier, cette juridiction nourrit des doutes quant à la qualité d’«autorité judiciaire» du parquet de Vienne. Elle a toutefois relevé que les parquets autrichiens ne délivraient pas de manière autonome un mandat d’arrêt européen dans la mesure où l’article 29 de la loi sur la coopération judiciaire en matière pénale prévoit l’homologation d’un tel mandat par un tribunal. La procédure d’homologation comprendrait l’examen de la légalité ainsi que de la proportionnalité du mandat d’arrêt européen concerné et serait susceptible de recours juridictionnel. Pour ces raisons, la juridiction de renvoi estime qu’il est possible de considérer que le pouvoir de décider de l’émission d’un mandat d’arrêt européen appartient, en définitive, au tribunal chargé de l’homologation de celui-ci.

Dans ces conditions, le Kammergericht Berlin (tribunal régional supérieur de Berlin, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante : «Les injonctions auxquelles un parquet est soumis l’empêchent[-elles] d’émettre valablement un mandat d’arrêt européen même si cette décision est soumise à un contrôle juridictionnel exhaustif avant l’exécution du mandat d’arrêt européen ?».

Position de la CJUE. Pour répondre à la question, la Cour relève que l’émission d’un mandat d’arrêt européen est, en vertu du droit autrichien, soumise dans son intégralité à un contrôle objectif et indépendant de la part d’un tribunal qui exerce à cet égard un contrôle complet portant sur les conditions d’émission de ce mandat d’arrêt ainsi que sur sa proportionnalité. Ce n’est qu’après l’homologation du mandat d’arrêt concerné par ce tribunal que ce mandat d’arrêt produit des effets juridiques et peut être transmis. Or, en ce qu’il intervient systématiquement d’office avant que le mandat d’arrêt ne produise des effets juridiques et ne puisse être transmis, un tel contrôle se distingue d’un droit à un recours, tel que celui visé aux points 85 à 87 de l’arrêt du 27 mai 2019 (précité) qui n’intervient qu’a posteriori et sur demande de la personne concernée.

En outre, il ressort du dossier soumis à la Cour que le tribunal chargé de l’homologation d’un mandat d’arrêt européen exerce son contrôle de manière indépendante ainsi qu’en pleine connaissance de toute instruction qui a éventuellement été émise au préalable et adopte, à l’issue de ce contrôle, une décision autonome par rapport à la décision du parquet, allant au-delà d’une simple confirmation de la légalité de cette décision.

Dans ces conditions, la décision relative au mandat d’arrêt européen telle qu’elle sera transmise doit être considérée comme satisfaisant aux exigences d’objectivité et d’indépendance du contrôle effectué lors de l’adoption de cette décision, évoquées au point 38 du présent arrêt. En conséquence, la Cour considère que le MAE émis par le parquet autrichien relève bien de la notion de «mandat d’arrêt européen», dès lors qu’il présente les garanties suffisantes à sa régularité.

 

June Perot

Source : Actualités du droit