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Distribution sélective de produits de luxe : validité de l'interdiction de la vente des produits sur les marketplace

Affaires - Droit économique
20/08/2018
Dans un arrêt rendu le 13 juillet 2018, la cour d'appel de Paris a rendu sa décision finale dans l'affaire Caudalie contre 1001pharmacies, la marketplace revendant les cosmétiques de luxe de la marque malgré l'existence d'un réseau licite de distribution sélective.
Une société justifiant de la licéité de son réseau de distribution sélective de produits de luxe, la violation de ce réseau par une marketplace non agréée est constitutive d’un trouble manifestement illicite dont la société peut exiger la cessation. Tel est en substance le sens d’un arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 13 juillet 2018, sur renvoi après cassation (Cass. com., 13 sept. 2017, n° 16-15.067, F-D ; sur cet arrêt, lire les actualités « Distribution sélective : Caudalie obtient gain de cause contre 1001pharmacies », « Distribution sélective et e-commerce : retour sur l’interdiction des distributeurs agréés de vendre sur des plateformes tierces » et « De la liberté pour le fournisseur à la tête d’un réseau de distribution sélective d’interdire la commercialisation de ses produits sur une marketplace »).

En l’espèce, la société titulaire de la marque haut de gamme de cosmétiques française Caudalie, commercialise ses produits au travers d’un réseau de distribution sélective de pharmacies agrées, en France et en Europe. Pour la distribution sur internet des produits, il est prévu que « seul un distributeur agréé disposant d’un point de vente physique en respectant l’ensemble des critères de sélectivité sera en droit de vendre en ligne les produits Caudalie sur son site internet ». Cette société, ayant constaté la violation de son réseau de distribution sélective par la plateforme 1001pharmacies, a saisi le juge des référés pour lui voir ordonner la cessation de la vente de ses produits.

Application de la récente jurisprudence Coty

La cour d’appel de Paris rappelle tout d’abord qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 6 déc. 2017, aff. C-230/16, Coty Germany GmbH c/ Parfümerie Akzente GmbH) qu'un système de distribution sélective de produits de luxe visant, à titre principal, à préserver l'image de luxe de ces produits est conforme au droit de l'Union, pour autant que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire, et que les critères définis n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire.

Après avoir constaté que les produits en cause correspondent à des produits de luxe, la cour d’appel vérifie si l'interdiction faite par le fournisseur aux pharmaciens de son réseau de recourir de façon visible à des plateformes tierces pour la vente sur internet de ses produits concernés est proportionnée au regard de l'objectif poursuivi, c'est-à-dire si une telle interdiction est appropriée pour préserver l'image de luxe de ces produits et si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Elle relève que les contrats de vente par internet souscrits entre le fournisseur et les pharmaciens du réseau prévoient que le premier fournit à ces derniers un « webpack » comprenant des photographies et textes des produits qui permettent une valorisation de ceux-ci. Or, certains de ses produits ont été mis en vente par l'intermédiaire de la plateforme litigieuse, alors qu'ils étaient supposés être retirés de la vente. En outre, la vente de ses produits était proposée aux côtés de produits n'ayant aucun rapport avec ceux-ci, tels que des alarmes-incendie ou des caméras de vidéo-surveillance. Selon la cour d'appel, de telles conditions de présentation sont de nature à porter atteinte à l'image de luxe que le fournisseur peut légitimement vouloir protéger. Il est dès lors établi que le refus de voir ses produits commercialisés par la marketplace est proportionné avec son objectif de préserver son image de marque.

En conséquence, les contrats passés entre le fournisseur et les pharmaciens de son réseau ne restreignent pas la concurrence au sens de l'article 101, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Aussi, l'atteinte portée au réseau licite de distribution sélective de Caudalie par 1001pharmacies constitue un trouble manifestement illicite.

Par Vincent Téchené
Source : Actualités du droit