Retour aux articles

Droit au respect au respect de la vie privée versus liberté d'expression : quel arbitrage ?

Affaires - Immatériel
29/03/2018
Un arrêt de la Cour de cassation du 21 mars 2018 précise les critères d'appréciation de la balance entre le droit au respect au respect de la vie privée et la liberté d'expression.
Le droit au respect de la vie privée et le droit au respect dû à l'image d'une personne, d'une part, et le droit à la liberté d'expression, d'autre part, ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) que, pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, 10 nov. 2015, aff. 40454/07, Couderc et Hachette Filipacchi associés c/ France, § 93). La définition de ce qui est susceptible de relever de l'intérêt général dépend des circonstances de chaque affaire (ibid., § 97).

Dès lors, encourt la cassation l'arrêt qui, pour accueillir partiellement les demandes en réparation d'un couple princier consécutives à la publication d'un article de presse relatant leur mariage religieux, après avoir énoncé que leur mariage religieux et le baptême de leur fils revêtaient un caractère privé, a retenu qu'un tel mariage n'avait pas eu d'impact au regard du rôle tenu par les intéressés sur la scène sociale et qu'aucun événement d'actualité ou débat d'intérêt général ne justifiaient qu'il soit porté atteinte à leur vie privée. Telle est la solution d'un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation.

Dans cette affaire, un magazine avait publié un article, accompagné de photographie, relatant le mariage religieux d'un couple princier et du baptême de leur fils s'étant déroulés quelques jours plus tôt. Invoquant l'atteinte portée à leurs droits au respect dû à leur vie privée et à leur image, le couple a assigné la société éditrice du magazine pour obtenir réparation de leurs préjudices, ainsi que des mesures d'interdiction et de publication.

Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction précise qu'en se prononçant ainsi, sans procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères, et, notamment, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le public avait un intérêt légitime à être informé du mariage religieux d'un membre d'une monarchie héréditaire et du baptême de son fils, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Par June Perot
Source : Actualités du droit