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Contrefaçon de marque : fin de l'exclusion de la qualification lorsque l'apposition a été faite en vue d'une exportation

Affaires - Immatériel
26/01/2018
La solution retenue par la Cour de cassation en 2007 (Cass. com., 10 juill. 2007, n° 05-18.571, P+B+R+I) qui ménage une exception de motif légitime de détention à la contrefaçon de marque, dès lors que les produits sont destinés à l'exportation vers des pays tiers dans lesquels ils sont licitement commercialisés et qu'il n'existe pas de risque que ces marchandises puissent être initialement commercialisées en France, ne fait pas une application correcte du principe d'harmonisation complète du droit européen des marques ; dès lors, cette solution ne peut être maintenue.
Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 janvier 2018. Elle rappelle qu'il résulte des articles L. 713-2 et L. 716-10 du Code de la propriété intellectuelle que sont interdites, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction d'une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement, ainsi que l'exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaisante.

Ces textes ont été interprétés par la Cour de cassation (Cass. com., 10 juill. 2007, n° 05-18.571, préc.) comme ménageant une exception de motif légitime de détention de tels produits revêtus du signe litigieux sur le territoire français, dans lequel ce signe était protégé en tant que marque, dès lors que ces produits étaient destinés à l'exportation vers des pays tiers dans lesquels ils étaient licitement commercialisés et qu'il n'existait pas de risque que ces marchandises puissent être initialement commercialisées en France, de sorte que les entreprises poursuivies n'avaient fait usage du signe litigieux qu'afin d'exercer leur droit exclusif portant sur la première mise sur le marché de produits revêtus du signe incriminé dans des pays où elles disposaient de ce droit.

Elle ajoute que, toutefois, les directives de l'Union européenne instituent, notamment par l'article 5 § 1 de la Directive 89/104 du 21 décembre 1988, une harmonisation complète, en définissant le droit exclusif dont jouissent les titulaires de marques dans l'Union (cf. CJUE, 20 nov. 2001, aff. C-414/99 ; CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01).

Ainsi, pour la Haute juridiction, la solution retenue par l'arrêt précité ne fait donc pas une application correcte de ce principe d'harmonisation, puisque ni cette directive, ni celles adoptées par la suite, ne prévoient une telle exception, de sorte que le refus de constater la contrefaçon en pareil cas ne peut être maintenu. Il en résulte, en l'espèce, qu'ayant constaté que la marque avait été apposée en France, territoire sur lequel elle était protégée, la cour d'appel en a exactement déduit, alors même que les produits ainsi marqués étaient destinés à l'exportation vers la Chine, que la contrefaçon était constituée.
 
Par Vincent Téchené
Source : Actualités du droit