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Réforme de la prescription pénale : les précisions de la Chancellerie

Affaires - Pénal des affaires
Pénal - Procédure pénale
04/04/2017
La loi du 27 février 2017 a assez profondément remanié les règles légales de la prescription en matière pénale. Outre un récapitulatif des principaux changements, la Chancellerie tente, par la présente circulaire, d'éclaircir l'épineuse question de l'application de la loi nouvelle dans le temps.
La loi du 27 février 2017 (L. n° 2017-242, 27 févr. 2017, JO 28 févr.) est entrée en vigueur le 1er mars dernier. Outre un doublement des délais de droit commun en matières criminelle et délictuelle et le maintien de délais dérogatoires, la loi nouvelle consacre très largement les règles de prescription élaborées par la jurisprudence, qu’il s’agisse de l’interruption ou de la suspension du délai ou du report du dies a quo pour les infractions occultes et dissimulées. Toutefois, dans ce dernier cas, un délai butoir a été instauré, afin de limiter la période de prévention (voir « Réforme de la prescription pénale : nouveaux délais et application de la loi dans le temps », Actualité du 01/03/2017). La circulaire revient sur l’ensemble de ces points et propose, en annexes, notamment des tableaux récapitulatifs des délais et des modifications législatives réalisées.

L’une des pierres d’achoppement de la réforme est l’article 4 de la loi, dont la formulation n’est pas sans susciter quelques interrogations. Ce texte prévoit en effet que la réforme « ne peut pas avoir pour effet de prescrire les infractions qui, au moment de son entrée en vigueur, avaient valablement donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique à une date à laquelle, en vertu des dispositions législatives alors applicables et conformément à leur interprétation jurisprudentielle, la prescription n’était pas acquise ».

La circulaire confirme d’abord, logiquement, que les nouvelles dispositions ne peuvent avoir pour effet de remettre en question les prescriptions déjà acquises avant le 1er mars 2017, date de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. En revanche, s’agissant des prescriptions « en cours » au 1er mars, les nouveaux délais de prescription plus sévères se substituent aux anciens.

Elle précise ensuite, en ce qui concerne les infractions clandestines, qu’il résulte de tout ce qui précède et notamment de l’article 4, que « si un délit occulte ou dissimulé découvert plus de douze ans après sa commission a donné lieu, avant l’entrée en vigueur de la loi, à une plainte avec constitution de partie civile, un réquisitoire introductif ou une citation directe, ces faits ne sauraient être considérés comme prescrits ».

Elle indique de plus que « bien qu’il ne vise expressément que les dossiers ayant donné lieu à la mise en mouvement ou à l’exercice de l’action publique, cet article (art. 4) n’implique cependant pas que l’interruption de la prescription par des actes d’enquête émanant du ministère public ou des procès-verbaux dressés par la police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite de leurs auteurs serait remise en cause en l’absence de mise en mouvement de l’action publique intervenue avant l’entrée en vigueur de la loi ».

La circulaire se fonde enfin sur la jurisprudence élaborée en cas de correctionnalisation légale de faits criminels. La Cour de cassation estime en effet, en pareille hypothèse, que l’entrée en vigueur d’une nouvelle prescription plus courte « ne saurait avoir pour effet de remettre en cause l'interruption de la prescription déjà réalisée à cette date » (Cass. crim. 29 avr. 1997, n° 95-82.669, Bull. crim., n° 155) et rappelle que « conformément à l’article 112-4 du Code pénal, les dispositions de son article 112-2 sont sans effet sur la validité des actes de procédure accomplis selon la loi alors en vigueur » (Cass. crim., 30 nov. 1994, nos 94-84.127 et 94-84.396, Bull. crim., n° 389). La Chambre criminelle a par ailleurs considéré, que le délai de 3 ans « ne se substitue à celui de 10 ans qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle », à condition que toutefois le délai total ne puisse excéder 10 ans depuis le dernier acte interruptif accompli sous l’empire de la loi ancienne (Cass. crim., 29 avr. 1997, précité). C’est dès lors uniquement à compter de l’entrée en vigueur de la loi que le nouveau délai commence à courir, sous réserve que la prescription en résultant ne puisse dépasser celle qui résultait des anciennes dispositions.

Ainsi, sous réserve de l’appréciation souveraine de la Cour de cassation, les délais butoirs de douze ans et de trente ans, même s’ils sont applicables à des délits ou des crimes occultes ou dissimulés commis avant l’entrée en vigueur de la loi, ne peuvent donc commencer à courir qu’à compter de cette date, soit à compter du 1er mars 2017. « Cette interprétation est du reste totalement conforme à l’intention du législateur, dès lors qu’il n’a jamais été soutenu aux cours des débats que les délits occultes ou dissimulés commis avant 2005 pourraient être prescrits du fait de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, mais au contraire qu’il a été expressément indiqué que la loi ne concernerait que les infractions commises après son entrée en vigueur ».
Source : Actualités du droit