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Exigence de motivation en matière pénale et atteinte au droit au respect de la vie privée

Pénal - Procédure pénale
24/11/2016
L'ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) décidant, sur requête du procureur de la République à l'occasion d'une enquête préliminaire, que les opérations prévues par l'article 76, alinéa 4, du Code de procédure pénale, seront effectuées sans l'assentiment de la personne chez qui elles ont lieu, doit être motivée au regard des éléments de fait et de droit justifiant de leur nécessité. Cette exigence d'une motivation adaptée et circonstanciée s'impose au regard des droits protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (CESDH) et en tenant compte de l'évolution du statut et du rôle juridictionnel du juge des libertés et de la détention voulue par le législateur. Cette motivation constitue une garantie essentielle contre le risque d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la personne concernée et doit permettre au justiciable de connaître les raisons précises pour lesquelles ces opérations ont été autorisées. Il en résulte que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui se borne à se référer à la requête présentée par le procureur de la République aux fins de perquisition, en application de l'article 76, alinéa 4, du Code de procédure pénale, n'est pas conforme aux exigences de ce texte. Telles sont les précisions apportées par un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 23 novembre 2016.

En l'espèce, diverses enquêtes ont mis en évidence l'existence d'une organisation, consistant à exploiter une activité frauduleuse de dépannage à domicile, sans aucun respect des règles sociales et fiscales, sous couvert de structures distinctes et éphémères, entreprises individuelles ou SARL, parfois sans aucune activité réelle, et dont certaines étaient immatriculées sous de fausses identités. Après transmission, des éléments de l'enquête et d'un rapport de présentation synthétique au procureur de la République, celui-ci a attrait vingt et une personnes devant le tribunal correctionnel. Le tribunal correctionnel, après avoir rejeté les exceptions de nullité, présentées par celles-ci, les a déclarées coupables des faits objets de la poursuite et condamnés de ces chefs. Les demandeurs et le procureur de la République ont interjeté appel de ce jugement. Pour rejeter l'exception de nullité tirée de l'absence de motivation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les perquisitions au domicile de certains des prévenus, la cour d'appel a énoncé que cette ordonnance mentionne que les éléments de fait exposés dans la requête du ministère public, dont les motifs sont adoptés, laissent présumer l'existence d'une infraction. À tort : en se prononçant ainsi, retient la Cour de cassation, alors que l'ordonnance ne contient aucune motivation justifiant de la nécessité de la mesure, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
Source : Actualités du droit