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Caractérisation d'une pratique de dénigrement de médicaments génériques par un laboratoire pharmaceutique

Affaires - Droit économique
Public - Santé
04/11/2016
La pratique de dénigrement mise en oeuvre pendant cinq mois contre des médicaments génériques concurrents et de l'auto-générique, par un laboratoire pharmaceutique en position dominante, ayant eu pour effet de limiter l'entrée de ses concurrents sur le marché français du clopidogrel commercialisé en ville, justifie sa condamnation pour avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce ainsi que celles de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Telle est la solution énoncée par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 18 octobre 2016 
La Cour rappelle qu'au regard des législations européenne et française, seule l'existence de propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l'efficacité d'un médicament peut justifier un discours attirant l'attention des professionnels de santé. Or, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a estimé, concernant les génériques en question, que l'inhomogénéité des indications ne constituait pas un risque pour les patients et ne nécessitait pas d'insérer une mention spécifique dans le répertoire des groupes génériques.

Dès lors, pour la Cour, en mettant en oeuvre auprès des professionnels de santé une stratégie de communication remettant en cause la bioéquivalence des génériques et les choix opérés par les autorités de santé et en recommandant ou invitant, en outre, les médecins à inscrire la mention "non substituable" sur les ordonnances et les pharmaciens à opérer la substitution avec l'auto-générique qu'il commercialisait, en insistant sur les risques de mortalité élevés des patients atteints d'un syndrome coronarien aigu, le laboratoire s'est rendu coupable de dénigrement. En outre, celui-ci, qui a exploité un brevet de fabrication en monopole pendant dix ans et appartient à un groupe important, a acquis de ce fait une réputation de référence, renforcée par un retour d'expérience qu'il a fait valoir auprès des professionnels de santé à l'occasion de sa stratégie de communication.

Or, les professionnels de santé avaient peu de connaissances en matière de pharmacologie, comme en matière de réglementation des spécialités génériques, et ont une aversion pour toute prise de risque, de sorte que la diffusion d'une information négative, voire l'instillation d'un doute sur les qualités intrinsèques d'un médicament, peut le discréditer immédiatement auprès de ces professionnels. Et la communication du laboratoire a eu un effet trompeur et dissuasif qui ressort notamment du taux plus élevé de mentions "non substituable" par rapport à d'autres spécialités et d'une évolution inhabituelle du taux de substitution, peu important qu'il ne soit pas établit qu'un nombre significatif de professionnels de la santé s'était effectivement déterminé en fonction des informations communiquées.

Sur le même arrêt, voir notre actualité du 02/11/2016 « Pratiques anticoncurrentielles : sur la détermination du montant des sanctions pécuniaires ».

Source : Actualités du droit